Rolando Colla prend sept jours et la petite île de Levanzo, au large de Trapani en Sicile, pour raconter une histoire d’amour. L’île accentue bien le caractère exceptionnel de la relation entre Ivan et Chiara, dans leurs vies où il semble n’y avoir pas de place pour un amour passionné et inconditionnel. Or, je vais le dire tout de suite, ce n’est pas l’histoire d’amour qui est le point fort de Sette giorni, même si l’on peut découvrir deux âmes à l’épreuve d’une expérience qui se veut contrôlée au départ, puis de plus en plus incontrôlable — ce qui fait la dynamique typique de toute expérience, entre volonté et événementialité —, et malgré des nuances émotives intéressantes ou un jeu de couple crédible, sincère, soutenu par deux grandes performances actoriales, celles d’Alessia Barela et de Bruno Todeschini.
Le point fort de Sette giorni est son montage, d’ailleurs réalisé entièrement par Rolando Colla lui-même (!). Le récit a plusieurs plans de structuration temporelle, spatiale, et dramaturgique: les sept jours, le jour et la nuit, la terre et l’eau, les intérieurs et les extérieurs, le monde de l’île et celui du continent, donc la vacance et le travail, l’exception et la normalité, les premiers plans et les paysages, les deux protagonistes et les habitants de Levanzo, acteurs non professionnels qui, comme dans les tragédies grecques, ont fonction de chœur. Le montage fait magnifiquement jouer tous ces éléments structurels dans un discours filmique qui implique clairement le spectateur et son imagination. Le jeu des possibilités, un certain suspense dû à l’échéance du mariage prévu en fin de semaine, sont autant d’éléments qui contribuent à un film qui se déroule largement dans nos têtes, avec nos projections.
Voilà pourquoi l’expérience de Levanzo que font Chiara et Ivan devient également notre expérience : non seulement par la beauté captivante de cette oasis dans la Méditerranée, mais surtout par la participation directe des habitants réels de l’île. Si le film raconte le making of d’une fête de mariage, nous avons la sensation de participer au making of du film lui-même : grâce à l’insertion d’un élément presque documentaire, il s’établit alors comme une complicité spéciale entre nous et le film, laquelle finalement nous aide à vivre encore plus directement l’histoire d’amour racontée.
Mais ce making of participatif, cette longue préparation, a une fin annoncée : la fête de mariage des amis de Chiara et Ivan. C’est, pour les deux amoureux, le moment d’évaluation et de décision, où le jeu et l’exception sont destinés à se dissoudre dans la vie réelle ; pour le spectateur, c’est le moment de quitter l’imaginaire et les hypothèses, pour attendre du film une réponse extérieure. La réalité fait son entrée dans l’histoire et, à travers les acteurs débarqués sur l’île, la fiction cinématographique reprend tous ses droits. Et comment ! (Pour ceux qui n’ont pas encore vu le film, je conseille de ne pas lire plus loin…) Rolando Colla nous propose à nouveau le mythe d’Orphée : Ivan marche vers le bateau du départ accompagné par Chiara, mais sans qu’il puisse se retourner pour la voir. Il est difficile de savoir si cette règle du jeu promet la réalisation du rêve, ou s’il s’agit plutôt d’apprendre à marcher seul. La toute fin du film me semble confirmer cette ambiguïté entre réunion et abandon : Ivan s’embarque sans se retourner, Chiara semble ne le pas suivre sur le bateau, après quoi on la voit tout de même dessus. La tragédie d’Orphée est-elle renversée en comédie heureuse, ou bien Chiara est-elle tout simplement devenue une étoile d’orientation et de courage pour un Ivan qui repart seul, mais non plus solitaire ?
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